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6 septembre 2004

Apologie des proverbes 1 sept. 2004, 23:12

Apologie des proverbes

1 sept. 2004, 23:12 [murielle_m]

"Qui se ressemble s'assemble"

C'est très vilain, de se moquer des proverbes -à part ceux qui concernent les Saints ou la météo ou les deux ... Bon, d'accord, j'admets, ça en fait un bon paquet... chut ! - d'autant que celui-ci, je le constate de plus en plus, est loin d'être faux. C'est VRAI, ceux que l'on choisit d'aimer, ceux que l'on aime le plus ont, à bien y réfléchir, des points communs. Vient de me sauter à la mémoire une petite phrase qu'un ami m'a dite il y a fort peu de temps : "ça s'use si on s'en sert pas". Non, bien que ça ait l'apparence d'un défi tout masculin à l'ordre naturel des choses, non : ça n'est pas aussi rigolo que ça en a l'air. Il était question, ici, de mes couteaux mal aiguisés et l'on peut donc considérer que... l'idée se tient ! Mais ce qui me plonge dans des abîmes de réflexion, c'est que cette même phrase, je l'avais déjà entendue d'une autre bouche, il y a bien des années ; un autre ami, qui me parlait de batteries de voitures, et qui m'a également affirmé que "ça s'use si on s'en sert pas" (d'un ton un peu moins moqueur, quand même... )

Entre ces deux phrases, dix ans, à peu près se sont écoulés. Une amitié est morte, une autre est née, probablement plus forte si c’est possible, et qui comprend mieux à la personne que je suis aujourd’hui. Et je ne peux m’empêcher, depuis le surgissement de ce souvenir, et d’une anecdote qui y est attachée à vie, je ne peux m’empêcher de "voir" les points communs de ces deux amis. Il y a onze ans, je passais mes premières vacances avec Christophe -le "celui" de la batterie. Nous étions à Londres, à bavasser tranquillement sur les bords de la Tamise. Il entrait en Khâgne, dominante philosophie, et moi en deuxième année de DEUG : il avait découvert Nietzsche, cette année-là, et entrepris de me faire apprécier ce Monsieur. C’était très très sérieux, et je devais écouter d’une oreille insuffisamment attentive, puisque je ne me souviens plus d’un traître mot de ses ... découvertes. Je tiens d’ailleurs à faire officiellement, hic et nunc, mon mea culpa le plus sincère. Probablement devait-il être parvenu, dans son discours, à la révélation des "mystères d’Eleusis" nietzschéens, si je me fonde a posteriori sur l’ensemble de la scène ; en tout cas, cela ne pouvait qu’être très sérieux ! Et moi, d’un air de lassitude fatiguée (du moins je l’imagine, car c’est le sentiment dont je me souviens), j’ai coupé son élan discursif : "Pfffff ! Qu’est-ce que j’ai mal aux pieds !"

Jamais je n’oublierai sa tête à ce moment-là ! Ce mélange d’étonnement, de déception, de rire et d’indignation dans des yeux tout ronds, c’est indescriptible !! Il s’est arrêté net : "Mais ?? Mais mais ??!! Tu te fous de moi ?? Depuis tout à l’heure, t’écoutes rien du tout ???!!"

Et je riais, je riais, je ne pouvais plus m’arrêter, et il s’indignait davantage de seconde en seconde, ce qui augmentait encore l’hilarité... A tel point, dois-je le dire, que j’en ai fait pipi dans ma culotte (de ça aussi, je peux continuer à en rire, car nous n’étions pas loin de la maison).

Cet ami, Christophe, cela fait quatorze ans que nous nous connaissons... Je lui dois parmi les meilleurs moments de ma vie, je lui dois d'avoir connu l'amitié, la confiance, la spontanéité, le rire, la complicité... Nous étions proches à tel point que nous savions exactement à quoi l’autre pensait sans nécessité de dire. Et tout cela est mort, ou presque. Parce que ... la vie change, les gens changent, et surtout, surtout... parce que le temps est assassin... Eh oui, un autre proverbe, qui n’est pas faux non plus. J’ai revu Christophe, hier après-midi ; depuis des années, nous n’avions pas été seuls pour parler. J’ai enfin pu lui dire, calmement et sans détours (c’est le plus difficile...) que je ne nous considérais plus comme des Amis : des copains, des très bons copains sans doute, si jamais une échelle de valeur est exigée, mais plus des amis. Se voir trois à quatre fois par an, se téléphoner à peine davantage, et pour se raconter quoi ?, pour moi, c’est insuffisant. Non, il n’est pas un "grand tchateur internaute", pas même un petit, et nous ne communiquons jamais entre les rares fois dont je viens de parler. Je crois qu’il n’a sincèrement pas compris mon point de vue ; il m’a dit : "Mais ça change rien !" Si, ça change ; ça a tout changé, j’ai changé, il a changé, et nous n’en parlons jamais, nous ne nous en apercevons pratiquement pas, car tout est maintenant superficiel. Lorsqu’il n’y a plus communication, on reste dans la superficialité, on ne sent pas l’autre changer, et pire, on ne sent plus les soucis, les peines, les joies de l’autre, pour les partager. Ce n’est plus de l’amitié, c’est du copinage... Ce constat me rend triste, il m’effraie. J’ai perdu un Ami, je souhaiterais ne jamais revivre ces moments, je souhaiterais que ce proverbe-ci "L’Histoire est un éternel recommencement" soit inapplicable à mon histoire, je souhaiterais que les points communs de mes amis ne conduisent pas aux mêmes effets... Je souhaiterais ...

Alors je m’accroche à ce qui les distingue, ce petit rien de caractère que je ne trouve que chez Christophe et qui m’attriste chaque fois davantage, mais bon... Je n’ai jamais considéré que passer un moment avec ceux que j’aime était insuffisant en soi ; quels que soient l’idée de sortie, le prétexte à se rencontrer, qui me sont présentés, à moins d’un autre engagement, je ne les ai jamais refusés sous prétexte que "ça me disait moyennement". C’est une question de priorité : le plus important est-il le film, l’exposition, le musée annoncés, ou bien le moment passé AVEC les aimés ? Pour moi, la réponse est évidente ; pour Christophe, non. Pendant des années, j’ai proposé des sorties qui lui disaient "moyennement", sans obtenir à la place une contre-proposition que, moi, j’aurais acceptée (et avec plaisir, même). A présent, il n’y a plus de suggestions, on ne se voit plus que pour quelques dîners quasi obligatoires comme nos anniversaires, et l’on a parfois du mal à trouver quoi se dire.

Et j’ai la prétention de penser que ceux qui tiennent à moi, aujourd’hui, autant que je tiens à eux (faut-il que je tienne à certains pour me taper du Annette Messager, bon sang ! ), ont davantage de plaisir à me voir qu’à tergiverser, voire à renoncer, suite à un choix de film ou de musée. C’est peut-être dur, ce que je viens d’écrire, car j’ai parlé d’une personne qui a compté démesurément pour moi ; mais ça fait très mal, aussi, d’être systématiquement mise dans l’un des plateaux de la balance, face à une pauv’ expo temporaire, ou un film mal coupé... J’ai cessé de pleurer sur l’agonie de cette amitié ; nous ne sommes plus amis.

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